"La non-violence est la plus grande force dont dispose l'espèce humaine"
GANDHI

mardi 15 mars 2011

Borderline

J’ai un problème de limites. Quelquefois, je suis comme le désert de poussière : ni trop chaud, ni trop froid. Je souris sans sourire, je pleure sans pleurer. Parfois, j’aime, mais qu’à moitié. Comme ça, je ne suis qu’à moitié détruit quand on m’abandonne. Je suis passé maître dans l’art de me faire abandonner. C’est pas que les gens me fuient, c’est simplement que mon désert est si grand qu’on n’y marche à mes côtés qu’un instant avant de s’y perdre. Avant d’être absorbé par le néant dans ma tête.

J’ai un problème de limites. Je suis un volcan d’émotions, un nuage de sensations, un kaléidoscope de peur, de cris, de colère et d’euphorie. Je ressens. Je ressens tellement que je ne suis plus un souffle ou un bras, un visage ou un sexe. Je suis l’Émotion, à l’état brut et à l’état pur. Un torrent d’humeur, avec des gouttes qui s’infiltrent dans mes ongles, entre mes lèvres, dans chaque recoin de ma pensée. Je n’ai plus d’identité. Je suis juste un débordement, un trop-plein, un cœur d’atome en pleine fission. Ma douleur est sans frontière.

Je vis les deux états à la fois : un poisson qui se noie à l’extérieur de son aquarium, un oiseau sans ailes qui plane jusqu’à sa fin. Je suis l’automate millimétrique qui traverse ses journées sans bruit, je suis la bête démaillée assoiffée de musique. Mais dans aucun des cas, je ne suis simplement moi.

Parfois, j’arrive à l’atteindre, mon identité. C’est un reflet qui me surprend dans l’inattendu, un miroir à l’improviste, qu’on prend d’abord pour un étranger. J’essaie de l’atteindre, tendant les doigts vers cette surface polie qui copie mon image. Pourtant, je ne ressens que la froide superficie de la glace. J’ai l’impression que mon identité est captive, quelque part derrière la réflexion. Sinon, comment expliquer que je ne puisse ressentir mon corps?

Je ne peux pas être entier, pas plus qu’on ne peut voir simultanément les deux côtés d’une pierre. Ma dualité m’est à peine croyable, même pour moi. C’est plutôt la terre entière qui change de forme, sans avertir. Les couleurs se ternissent, les meubles deviennent menaçants et les murs m’enferment comme dans une prison. Une prison isolée où je vais m’achever moi-même, comme un débile dans un hôpital. Puis, sans aucun signe précurseur, la douleur fait place à la léthargie, par quelque supercherie obscure d’un cerveau affaibli. Une remontée fulgurante pour me faire baisser la garde. Aller mieux, uniquement le temps de remarquer que les murs ne sont pas identiques à hier. Remarquer que soudainement, ils paraissent plus sombres.

Personne ne soupçonne l’étendue de mon malheur, mais tout le monde cherche à le contrôler. À me dire que je ne suis pas en colère quand je suis en colère, que je suis malade quand je suis triste, que je suis dérangeant quand je suis heureux. Je suis une émotion à l’état primaire, et je ne sais pas mentir. On s’en prend à mon corps pour tuer ce qu’il y a dans ma tête. Dans un monde où on doit tous harmonieusement se mêler dans le même vase, personne ne peut même concevoir l’aspergement et l’inondation que je suis.

On s'en prend à l'avion en catastrophe qui s'écrase dans un brasier, sous prétexte qu'il éclaire trop, qu'il fait trop de bruit. Mais personne, personne ne va me secourir.

Jean-Samuel

6 commentaires:

  1. Parce que l'on ne voit pas ce qui nous crève les yeux ! Raz de marée des émotions, séisme du coeur trop lourd : ton texte est d'actualité et met l'accent sur des sentiments que beaucoup partagent... sans se l'avouer !
    Bravo S_J !

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  2. Magnifique Sj !!!
    "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux" Antoine de Saint Exupéry
    Merci Sj d'être qui tu es !!
    Je t'embrasse très très fort
    Prends soin de toi
    Sourire

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  3. Une merveille Sj ! tu sais que ça me manque terriblement de pouvoir lire les visions étranges mais si universelles de tes émotions ?
    J'espère que tu continues à écrire...

    Marie

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  4. Oui ! J'étudie en littérature et pour mes cours j'écris beaucoup, beaucoup, beaucoup XD ! Il me manque seulement à trouver le meilleur moyen de partager mes écrits. J'aimerais les retravailler pendant l'été pour povoir faire un recueil !
    Mais ça, c'est mon rêve =) !!
    Merci tout le monde de vos commentaires !

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  5. Il faut croire en ses rêves Sj et se donner les moyens de les réaliser surtout, n'est-ce pas ce que tu fais?
    Tu es sur la bonne voie, tu as beaucoup de talent et une sensibilité à fleur de peau merveilleuse.
    Serais-tu d'accord pour que soit publié ici ton texte sur l'homophobie?
    Je t'embrasse très très fort.
    Prends soin de toi
    Sourire
    Laëtitia

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  6. Ça serait une excellente idée ! Je vais de l'envoyer sur facebook ^^ !
    En espérant pouvoir aider encore plus de personne grâce avec ton site !

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