"La non-violence est la plus grande force dont dispose l'espèce humaine"
GANDHI

lundi 4 avril 2011

Une aube sans ombre


Réveille-toi car aujourd'hui est la première journée où tu pourras marcher
la tête haute. Ne reste plus enfermé en toi-même, parce qu'il y a là,
dehors, un monde qui n'est plus si effrayant. Si les gens tentent de te
faire croire à un mensonge, celui d'une cicatrice béante marquée sur ta
peau, vois plutôt la vérité: ta différence est un diamant des plus purs, 
décomposant chaque nuance de l'arc-en-ciel.


N'écoute plus leur insulte, parce que tu as en toi la chanson la plus
fabuleuse, celle d'un coeur qui s'accorde avec un être du même genre.
N'oublie jamais à quel point ton courage est grand, parce que même
avec la haine des gens qui se sont chers, tu sais encore aimer.
Adore-toi assez pour ceux qui en sont incapables, et tu brilleras
d'une lueur interne assez grande pour éclipser les ténèbres des 
préjugés. Si les autres croient te connaître déjà, à ta démarche, 
à ta voix, à la main dans la tienne, ils ont tort. S'ils te détestent 
pour ce qu'ils croient voir, tu apprendras à célébrer qui tu es réellement.
Un être sans complexe, sans douleur, sans honte. Un être comme les autres,
qui choisit de ne plus vivre dans la peur. Réveille-toi, parce qu'une nouvelle
génération est déjà née. Des enfants prêts à vivre sans le fardeau ancestral
de l'homophobie.

Jean-Samuel

samedi 2 avril 2011

Envers et contre tous


Quand son sarcastique« hélas » toque dans sa tête,
Le traque, l’attaque, il craque et débloque.
L’égo tique, étriqué à bloc, bien trop esthète,
A truquer sa quête intrinsèque, la disloque.

Narcissique il s’enfonce, s’encastre dans ses frasques,
S’esseule coincé face à sa glace encrassée,
Se creuse, se ride ce vide sous son masque
Puis, sans déclic, s’efface, laissé au passé.

Repoussant ses excès sur des cliques, des claques,
L’ « ASSEZ » de ses proches sonne en écho aphone.
Lassés par cent soucis assénés, ils le plaquent
Sans effleurer l’accès de ce cœur presque atone.

Sculptant ses stigmates qu’il ausculte sans cesse,
L’astigmate déchu essaie la cécité.
Sali par son arrogance, il se compresse
Dans son nombril dantesque et suit sa frivolité.

Malgré lui le ressac du tic-tac le rattrape,
Le tasse en passant jusqu’à l’affaisser, le plisse,
Lui croque sa superbe, le claustre sans trappe,
Sur place et sans complice il meurt en coulisses.

Cet acteur sans spectateur de sa déchéance
S’est lui-même éclipsé par manque d’éclectisme.
En terre entre ses planches, sans condoléances,
Il comprend l’ironie du sort de l’égoïsme.

Laëtitia

mardi 29 mars 2011

Je me sens coupable

 Je me sens coupable d’être née morte un matin glacé de janvier 62 et d’avoir finalement refusé de retourner dans les limbes de l’outre-monde d’où je venais ; d’avoir permis à mes poumons d’ouvrir leurs alvéoles à l’élément aérien ; d’avoir, à partir de ce jour, fait tomber devant mes yeux le rideau rose du bonheur.

Je me sens coupable d’avoir grandi dans un monde qui avait si chaud qu’il a jeté aux orties son manteau d’humanité ; un monde dont les yeux ne s’ouvrent que sur ce qui brille ; un monde dont le cœur ne bat que pour l’orgie sanctifiée de la consommation.

Je me sens coupable d’avoir cédé à l’onctuosité d’un optimisme consolateur ; d’avoir cru que tout allait très bien dans le meilleur des mondes ; d’avoir cru en la vie au point de la donner trois fois, alors même qu’un premier nuage de poussières mortelles passait au-dessus de nos têtes.

Je me sens coupable d’avoir élevé mes enfants en gentilshommes, pour ensuite les donner en pâture à la gueule des requins actionnaires du vivant ; de leur avoir enseigné à penser sur cette terre d’où la pensée a depuis longtemps déserté ; d’avoir partagé avec eux les derniers lambeaux de mon rideau rose.

Je me sens coupable de leur avoir appris à ne pas céder au chant des sirènes des marques, le seul vêtement qui convienne à nos corps étant celui du bien être ; de leur avoir inculqué le sens de l’observation, de l’attention, de la patience, dans une société qui ne tient pas en place et ne jure plus que par l’éphémère ; d’avoir fait d’eux des étrangers.

Je me sens coupable d’avoir un jour poussé la porte du premier supermarché qui a fleuri sur le sol de ma commune ; geste anodin mais qui, multiplié à l’infini, a fait sauter le couvercle de la boîte de Pandore, dans l’indifférence la plus totale ; geste innocent qui nous a tous précipités dans le gouffre béant de la consommation. Je me sens coupable d’avoir assassiné le petit commerçant qui me disait « Bonjour ! », le sourire aux lèvres.

Je me sens coupable d’avoir les bras coupés et la langue arrachée, quand ma mère la terre hurle sa souffrance et son désespoir ; j’ai cru avec elle que mes frères humains auraient appris de leurs erreurs et gagné suffisamment en sagesse pour ne pas les répéter ; j’ai cru en l’avenir.

Je me sens coupable d’être humaine, d’appartenir à cette race ignoble qui ne s’arrêtera que lorsque ses yeux ne verseront plus que des larmes de cendre ; que lorsque les couleurs de la vie auront complètement disparu à la surface de notre planète ; mais il sera alors trop tard.

Je me sens coupable…
Nous sommes tous coupables.

Marie Fontaine

samedi 26 mars 2011

Trompe l'oeil

Je ne suis qu’un bourreau qui vous broie de chimères,
Passé maitre dans l’art du poignard dans le dos.
Je vous aveugle de promesses éphémères,
Je masque le traitre derrière vos bandeaux.

Je suis le roi du calcul, toujours je divise
Afin de mieux régner je prône l’unité.
Multipliant les impairs je les relativise
Car je peux compter sur ma probabilité.

Je m’exerce sans cesse à l’art de l’illusion
Mais je ne sais que jeter de la poudre aux yeux.
Je vous manipule en semant la confusion
Et j’attends de mes tours qu’ils vous voilent l’odieux.

Je joue à l’amiral qui jamais ne se prive
Et qui foule vos rives en noyant vos rêves.
Je tiens la barre d’un navire à la dérive,
J’en vide les cales me riant de vos grèves.

J’espère bien un jour finir au Panthéon,
Que ma soif de pouvoir y inscrira mon nom.
Je m’imagine plus grand que Napoléon,
Pour vivre la gloire je vous prends pour des cons.

Laëtitia

vendredi 18 mars 2011

RESISTE



Quand se pervertissent les temps aux faveurs de l’oubli,
 Meurent les passions de n’être plus qu’à titre posthume.
 Accablé de quotidien morose, sa subsistance est survie,
 Et son art, dénaturé de précarité, revêt du néant le costume.

Fi de culture, l’aujourd’hui n’est que profit !
 Qu’importe la beauté si elle n’est bien vendue ?
 Dans les brumes qui masquent les nues avilies,
 Se cachent quelques spéculateurs en plus values,

Gouvernant impunément les moutons que nous sommes,
 Pauvres rêveurs crédules qui croyons en la justesse !
 Justesse des chances, justesse pour tout Homme !
 Mais tombe le rideau dévoilant du pouvoir l’ivresse…

Aux abus de passion qui exaltent la création de l’artiste,
 S’imposent les abus sans conscience de dévoyés nantis
 Qui, sous couvert d’élections aux programmes utopistes,
 Annihilent les âmes de leurs machiavéliques inepties.

Éperdu de liberté, tu voudrais vivre de ton art,
 Distiller le plaisir pour que renaisse le bien-être
 Mais dans la douleur qu’infligent leurs remparts,
 Enchaîné, dans la dépression tu t’empêtres.

Au cachot le créateur ! Tes somptueux horizons de cocagne
 Disparaissent dans les méandres suffocants du jour.
 Mais, dans la faible lueur amicale qui éclaire ton bagne,
 Tu libères de sporadiques œuvres… étincèles d’amour,

Pour que tes songes parviennent à lacérer les nuages
 Et déchoir de leur piédestal, ces monstres belliqueux
 Qui transpirent le mépris et se rassasient de carnage.
 Résiste ! Un jour, ils perdront et tu voleras plus haut qu’eux !

Sylvain

jeudi 17 mars 2011

Après les lambeaux d'écorchures vives
de ciel éclaté
et d'étoiles foudroyées
viennent le soir et le matin mêlés.
Encre de sang,
Fulgurante sève de vie
et d'amour malaxés.
Le ciel a retrouvé son odeur pétrifiante,
parfum de soleil
printemps renouvelés.

Fuyez serpents de la nuit vampiresque,
glissade de pluie inodore et délavée.

Osez ! Osez !
Chevaux fous de délire,
Délivrez-nous des maux de l'empire titanesque.

Attaquez !
Délayez les yeux furibonds et grotesques
dans des torrents d'herbes salées.

La clarté inonde le levain maternel
de sa fureur de vie.
Je viens tout doucement boire la rosée de l'Etoile
du soleil printanier
Je ne suis pas pressée.

Je renais broyée par le désir de vivre,
née de l'aube incertaine.
Je sais que je ne crains plus rien,
ni la vie, ni la mort,
Je suis prête, délivrée de l'injure ancestrale.

Je vous dénonce à l'encre rouge de ma bouche,
parjures incondamnés,
morts-vivants impardonnables,
festins de loups et de vipères,
fulgurantes ténèbres sacrifiées
sur l'autel cranesque.

Oubliables certitudes,
laissez-moi le droit de vivre libérée,
Je viens, je ne cesse de venir,
vivante de souffrance
et souffrante pour vivre.

Babeth

mardi 15 mars 2011

Borderline

J’ai un problème de limites. Quelquefois, je suis comme le désert de poussière : ni trop chaud, ni trop froid. Je souris sans sourire, je pleure sans pleurer. Parfois, j’aime, mais qu’à moitié. Comme ça, je ne suis qu’à moitié détruit quand on m’abandonne. Je suis passé maître dans l’art de me faire abandonner. C’est pas que les gens me fuient, c’est simplement que mon désert est si grand qu’on n’y marche à mes côtés qu’un instant avant de s’y perdre. Avant d’être absorbé par le néant dans ma tête.

J’ai un problème de limites. Je suis un volcan d’émotions, un nuage de sensations, un kaléidoscope de peur, de cris, de colère et d’euphorie. Je ressens. Je ressens tellement que je ne suis plus un souffle ou un bras, un visage ou un sexe. Je suis l’Émotion, à l’état brut et à l’état pur. Un torrent d’humeur, avec des gouttes qui s’infiltrent dans mes ongles, entre mes lèvres, dans chaque recoin de ma pensée. Je n’ai plus d’identité. Je suis juste un débordement, un trop-plein, un cœur d’atome en pleine fission. Ma douleur est sans frontière.

Je vis les deux états à la fois : un poisson qui se noie à l’extérieur de son aquarium, un oiseau sans ailes qui plane jusqu’à sa fin. Je suis l’automate millimétrique qui traverse ses journées sans bruit, je suis la bête démaillée assoiffée de musique. Mais dans aucun des cas, je ne suis simplement moi.

Parfois, j’arrive à l’atteindre, mon identité. C’est un reflet qui me surprend dans l’inattendu, un miroir à l’improviste, qu’on prend d’abord pour un étranger. J’essaie de l’atteindre, tendant les doigts vers cette surface polie qui copie mon image. Pourtant, je ne ressens que la froide superficie de la glace. J’ai l’impression que mon identité est captive, quelque part derrière la réflexion. Sinon, comment expliquer que je ne puisse ressentir mon corps?

Je ne peux pas être entier, pas plus qu’on ne peut voir simultanément les deux côtés d’une pierre. Ma dualité m’est à peine croyable, même pour moi. C’est plutôt la terre entière qui change de forme, sans avertir. Les couleurs se ternissent, les meubles deviennent menaçants et les murs m’enferment comme dans une prison. Une prison isolée où je vais m’achever moi-même, comme un débile dans un hôpital. Puis, sans aucun signe précurseur, la douleur fait place à la léthargie, par quelque supercherie obscure d’un cerveau affaibli. Une remontée fulgurante pour me faire baisser la garde. Aller mieux, uniquement le temps de remarquer que les murs ne sont pas identiques à hier. Remarquer que soudainement, ils paraissent plus sombres.

Personne ne soupçonne l’étendue de mon malheur, mais tout le monde cherche à le contrôler. À me dire que je ne suis pas en colère quand je suis en colère, que je suis malade quand je suis triste, que je suis dérangeant quand je suis heureux. Je suis une émotion à l’état primaire, et je ne sais pas mentir. On s’en prend à mon corps pour tuer ce qu’il y a dans ma tête. Dans un monde où on doit tous harmonieusement se mêler dans le même vase, personne ne peut même concevoir l’aspergement et l’inondation que je suis.

On s'en prend à l'avion en catastrophe qui s'écrase dans un brasier, sous prétexte qu'il éclaire trop, qu'il fait trop de bruit. Mais personne, personne ne va me secourir.

Jean-Samuel